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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/131

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Gymnase ! Il me cède son tour, il me le repasse, oui, madame, et revenez me dire ce qu’elle vous aura répondu.

— Merci, fis-je en me levant.

Le jeune maître tint à me reconduire à la porte. Il avait repris sa bonne humeur de l’accueil, et, sous le cache-nez dont il s’était emmitouflé contre le brouillard du soir, il me criait gaiement : — Elle vous recevra de dos, la belle Anaïs, c’est sa marotte, et elle vous regardera tout le temps dans la glace. Mais ne perdez pas la tête si elle se retourne. Elle n’est quinquagénaire que de face.

La réception de la célèbre comédienne fut telle en effet que mon hôte me l’avait annoncée. C’était rue de Navarin, dans une villa fort vaste, en manière de caravansérail, où elle occupait un rez-de-chaussée ouvrant sur un jardinet aménagé en volière. J’attendais depuis quelques instants dans cette volière, lorsqu’un froufrou de robe me prévint de la présence de la déesse, car c’en était une assurément, et jamais je n’ai vu réaliser par aucune autre cet idéal, d’ailleurs tout conventionnel, de la grande dame de race dont le théâtre entretient encore la légende. Elle se tenait d’ailleurs debout devant une haute psyché disposée à contre-jour où se dessinait comme au burin le galbe de sa silhouette.

La créatrice de Marco, la fille de marbre, avait à la ville comme à la scène, une voix singulière et très prenante, dont la vibration ressemblait à celle de sa robe même. Ceux qui l’ont entendue dans ses grands rôles se rappellent encore les effets tragiques qu’elle obtenait de ce chevrotement par où s’exprimaient les sanglots des âmes déchirées. Comme je ne les