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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/186

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À ladite bataille de Michel Pauper, l’on n’était pas nombreux sous la bannière, quoi qu’on en ait dit, et lui-même, et si nous couchâmes sur les positions, ce ne fut pas en un bois de lauriers. À cette époque, Henry Becque jouissait d’une espèce de petite fortune, et comme il en avait employé une partie à louer la salle et la scène de la Porte-Saint-Martin pour y produire une pièce dûment dédaignée de tous les directeurs, il avait renom d’amateur et la presse lui était systématiquement hostile.

Le mot de Barbey d’Aurevilly — l’École brutale — était d’ailleurs le mot d’ordre de la critique, en tout temps fort panurgienne, et que l’arrêt sommaire de la définition dispensait une fois de plus de toute initiative de jugement. Théophile Gautier, dont la sainte mansuétude revêtait de pourpre une divination d’augure, fut à peu près le seul à pressentir dans Michel Pauper le futur maître des Corbeaux. Dieu sait pourtant si le poète inclinait au réalisme, à la pièce sociale et à toutes les recherches de « la petite bête » qui déplacent les plis de la tunique des Muses. Le grand et bon Théo salua donc l’aurore d’Henry Becque, comme il saluait toutes les aurores, et comme, deux ans après, il allait patronner Émile Zola chez son éditeur — et ça, je le sais, j’y étais — mais je crois bien que le pauvre Michel Pauper en resta sur ses frais de paupérisme.

Il faut bien reconnaître que Becque supporta sans élégance ce premier revers de main de la Fortune. Il en est resté toute sa vie un peu maussade et, dans les mots qu’il dardait, à droite et à gauche, sur les choses et les gens de théâtre, il restait peut-être de l’amertume du locataire estival de la Porte-Saint-