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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/20

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n’importe quel vêtement, il incarnait la tyrannie ? Mais s’arrête-t-on à de telles réflexions quand on brandit les lanières de la satire ? On a un fouet au poing, il faut qu’il claque, et que l’air sonne et siffle. Du reste, à cette époque, la grande campagne antinapoléonienne, menée par les Michelet, les Lanfrey et les Iung, ne prévalait pas encore dans nos écoles contre la tradition historique de gloire dont ma génération demeurait imprégnée. Par nos poètes, et par Victor Hugo lui-même, nous subissions le joug de la légende impériale. On n’était qu’à l’été du siècle et le ciel de France vibrait encore des grands coups d’ailes dont l’avait battu le vol empourpré des Victoires. Napoléon Ier, oui, mais Napoléon III, jamais ! Et c’était le Petit qui travestissait le Grand et qui, pour un but dynastique trop facile à comprendre, le campait tout nu, ou à peu près dans l’ascension des bonnets à poil ! « As-tu fini ? » Et je le lui demandais, de mon banc, dans l’ode archiloquienne. Cette Ode s’en était allée, comme toute seule, à Guernesey, et tel un ramier vole à son nid, mais je ne m’en étais ouvert à personne. Aussi que devins-je lorsque le chef de l’institution, d’un geste brusque, me remit la réponse sans mot dire.

— Ah ! mon Dieu, Monsieur David, balbutiai-je.

Cette lettre de Victor Hugo à un « potache », au bout de quarante-quatre ans, je la sais encore par cœur. Elle a imprimé sur mon âme sa tache d’encre indélébile. La voici, je vous la récite :


« Monsieur, vos vers sont beaux, mais la recrudescence actuelle du despotisme en France est une grave