Aller au contenu

Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/213

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fala sur un divan, et comme frappé de la foudre. Je n’ai jamais vu d’homme aimer moins la liberté que cet homme à femmes. Les Dangeaux du dix-neuvième siècle porteraient à tort le nom de Marianne sur la liste des mille et trois que ce Don Juan allait bientôt remettre au Commandeur, car son apparition lui fit l’effet de la tête de Gorgone au poing de Persée, et je crois bien qu’il en est mort.

Je dois à la vérité de dire que l’administrateur, sans être aussi médusé par elle que son Almaviva, ne laissait pas d’être assez inquiet du sort de l’institution napoléonienne à laquelle il présidait. Il la croyait même condamnée et, comme on dit dans les Eaux et Forêts, ratiboisée. Elle n’est pas, en effet, à base très démocratique. Il y a des heures où il en cuit d’être des privilégiés officiels d’un art à cassette impériale, et Maubant-Marat était le seul de la troupe subventionnée qui n’eût jamais joué à Compiègne.

— Encore, disait Madeleine Brohan, est-ce parce que le neveu a la tragédie en sainte horreur.

Édouard Thierry redoutait donc, et non sans raison, que la cassette disparue, le crédit alimentaire, dont le culte de Molière est le prétexte, fût affecté à des dépenses nationales plus urgentes. D’autre part, les représentations intermittentes, même avec les tyrtéennes des poètes, ne rendaient plus le prix des chandelles. La sagesse conseillait de fermer la boîte et de se terrer jusqu’à nouvel ordre de choses. Le vieux Corneille lui-même n’avait plus un soldat à donner à la patrie, tous étant sous les armes. C’était le « Messieurs, on ferme ! » des fêtes terminées et des lampions éteints. Qu’allait-on faire du monument ?

Ce fut Madeleine Brohan qui fournit la réponse.