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l’héroïsme de Paris par le désarmement de sa garde civique parut intolérable aux bourgeois eux-mêmes, et, à ce moment-là, je le répète, tout le monde, et dans toutes les classes, était délibérément « communard ». Lorsque sur l’ordre du comité central, pouvoir subitement improvisé, les gardes nationaux, hâves encore de la famine du siège, s’en vinrent à la place Wagram enlever les canons oubliés par les déserteurs pour les hisser à la butte Montmartre, la population entière, blouses et redingotes, et les femmes, les vieillards, les enfants, poussaient à la roue des attelages en gueulant La Marseillaise.

Il faut bien croire que les « ruraux » se rendirent eux-mêmes à l’évidence de la grande gaffe, puisque aussitôt ils en commirent une plus grande encore en « plaquant » Paris pour Versailles et en transportant chez Louis XIV le gouvernement d’une République.

On n’a qu’à consulter les journaux parisiens de la fin de mars 1871 pour connaître l’effet que cette fugue produisit sur les boulevards. Pour deux ou trois, les graves, qui s’en désolaient, tous les autres la prirent à la blague et un énorme éclat de rire souligna cette nouvelle retraite du général Vinoy, moins glorieuse que l’autre, celle de Sedan, assurément. Tous ces troubles au début de l’insurrection furent jugés fort bénévolement, et la décapitation de Paris, avec des gorges chaudes. Personne ne pensait que ce fût sérieux, encore moins que l’on fût à la veille d’une guerre civile.

— D’abord, me disait Zizi, que la chute de Trochu avait rendu à la vie privée, d’abord on s’embête tellement à Versailles, qu’il en mourra un, de spleen,