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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/27

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était celle de Don César de Bazan, de Gavroche, de Triboulet, de Gringoire, et de toutes ses créations comiques, c’est-à-dire métaphorique et magnifiée jusqu’au paradoxe, romantique enfin. Les mots de Victor Hugo, c’était encore des rimes : ils rendaient un bruit de cymbales entrechoquées, ou la joie des vers. Il s’en égayait le premier, en amateur autant qu’en maître du genre, avec un rire particulier, rentré pour ainsi dire dans sa barbe d’airain fleurie, et qu’il ponctuait de quelques « Oui, oui, oui… » irrésistibles.

Ayant appris un jour que, dans une étude de critique, Émile Zola s’était, comme on dit aux boulevards, payé sa tête, il voulut connaître non seulement cette étude, mais encore quelque roman du naturaliste. La semaine suivante, il nous dit :

— Eh bien, messieurs, Mme Drouet a bien voulu me lire de l’écriture de ce jeune homme. Savez-vous bien que, pour un Italien, ce n’est pas mal, même à travers la traduction, oui, oui, oui, un peu lourde peut-être.

Et, toute la soirée, il s’obstina à la méprise de prendre, sur la foi du nom et du style, l’auteur de L’Assommoir pour un écrivain italien trahi par un traducteur… suisse, oui, oui, oui…

Mais parallèlement à ces malices, il avait, pour ceux qui l’aimaient, des aménités délicieuses et comme en ont trouvé, seuls, les grands seigneurs de l’antique urbanité française. À un dîner, dont François Coppée était le principal convive, la causerie générale roulait sur une question de littérature et tous accordaient qu’il fallait des poètes pour en décider.