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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/333

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Saint-Gratien, chez la princesse Mathilde, il lui laissait, pour prix de son hospitalité, un sonnet, monnaie de poète, précieuse surtout pour les numismates lyriques. La pensée, toute « renaissance », lui vint un jour de réunir ces hommages rimés en un livre, tiré à exemplaire unique, et qui ne serait qu’à son impériale hôtesse. Ce fut l’éditeur Claye, l’Elzévir de la rue du Cloître-Saint-Benoît, qui se chargea de ciseler ce superbe ex-voto. Les manuscrits composés et tirés, il en brisa scrupuleusement les formes et tout fut ordonné pour qu’il n’y eût au monde que cet exemplaire des Sonnets de Théophile Gautier à la Princesse Mathilde. Ce fut pour le maître une des joies de sa vie de le porter lui-même à Saint-Gratien dans son étui de maroquin doré et chiffré, orné d’un émail de Claudius Popelin et de le remettre, le jour de sa fête, à la bonne princesse.

Il n’était pas lui-même fort bibliophile. À sa vente posthume les seuls livres de sa maigre « librairie » qui atteignirent à quelque prix un peu élevé furent ceux qu’il tenait d’un legs de l’abbé duc de Montesquiou, l’un des rédacteurs de la Charte et ministre de la Restauration, qui fut protecteur de la famille Gautier pour des raisons toutes intimes dont j’ai soulevé le voile dans Entretiens et Correspondance. Il est plus que probable que, par sa mère, Théophile Gautier avait dans les veines quelques globules de sang bourbonien, et quand Zoé Langue de cô l’affirmait, il ne la faisait pas toujours taire. La consigne à Neuilly était de ne pas dire trop de mal du comte d’Artois, vulgo : Charles X.

L’abbé duc de Montesquiou, qui n’est mort qu’en 1832, avait donc pu assister, en 1830, aux débuts du