Aller au contenu

Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/417

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pièce sera très amusante. Il ne nous reste plus que le dénouement à trouver.

Le lendemain, à l’aube et parfois avant elle, Armand Silvestre, frais comme la rose de Ronsard, était à la besogne et tarissait le godet d’encre. Comme il était employé aux Finances, il fallait qu’il partît des Ternes à neuf heures pour signer sa feuille de présence au ministère. Il me laissait donc sur son bureau ce qu’il avait écrit du Premier Amant pour que je pusse coordonner notre double travail.

— Tu verras, me criait-il à travers la porte, avant de s’en aller, c’est exactement ce que nous avons décidé hier soir. À tantôt, mon carpolin, et mes respects, à Neuilly, au maître.

Ce n’est diminuer en rien le poète de La Gloire du Souvenir que de dire qu’entre ceux de notre génération qui se sont essayés au théâtre, il était le plus spécialement doué pour n’en pas faire. Non seulement il y était gauche et d’emprunt par ses dons mêmes, mais il en tenait l’art pour inférieur et purement commercial. Il avouait sans fard ne lui demander que les bénéfices que le succès y donne, et d’autres avantages encore dont il était friand, étant un fort leveur de jupes étoilées, je ne l’apprendrai à personne.

Le Premier Amant ne servit pas à sa carrière, car l’ouvrage resta inachevé, et il est perdu pour la gaieté française. Je m’en désenchantai assez vite. Les scènes qu’il me laissait sur la table, avant de filer au ministère, me plongeaient dans le désespoir. Durand y racontait à Durandot des histoires sans aucun rapport avec la situation, auxquelles Durantin mêlait des propos égrillards renouvelés de Béroald de Ver-