Aller au contenu

Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ensuite, elle est « crevante ». Mais, enfin, si vous y tenez, il y a un moyen, et il est sûr. Attendez patiemment mon « daron », et démolissez-lui George Sand : il ne lui pardonne pas d’avoir cocufié Musset, à Venise !…

Et ceci dit, le secrétaire m’ouvrit son porte-cigarettes.

Quelques semaines après mon entrée à la Revue Nationale, ou Revue Charpentier, car on la désignait couramment ainsi, Paul Déroulède tombait un soir, hôtel de l’Univers, au moment où je venais de me mettre au lit.

— J’ai en bas, me dit-il, dans la cour, un camarade qui ne sait pas où reposer la tête, et comme j’habite chez mes parents, je ne peux pas lui offrir asile. Je vous l’amène. Du reste, vous le connaissez, c’est Zizi.

— Qui, Zizi ?

— Eh bien ! mais, le fils de l’éditeur, George Charpentier, votre ex-secrétaire de rédaction à la revue. C’est son surnom, il zézaie. Ne le saviez-vous pas ? Je le fais monter, hein ?

— Parbleu.

Et nous l’appelâmes par la fenêtre. Georges Charpentier n’avait pas dix-huit ans, ou, s’il les avait, c’était à peine. Il entra en haussant les épaules, mais avec une expression de dépit si drôle que j’éclatai de rire à la voir. Il était en tenue de bal, frac et souliers vernis, cravaté de blanc, ganté de gris-perle et revêtu d’un si magnifique pardessus doublé de soie puce qu’au bout de quarante ans je le peindrais encore.

Comme mon lit était ouaté de deux matelas, j’eus tôt fait de le dédoubler, et, pour le reste, il y avait