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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 1, 1911, 3e mille.djvu/76

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rotait, et s’étonnait toujours de ne pas y relever une rature. Théophile Gautier n’avait jamais à corriger ni même à modifier sa phrase ; elle lui posait drapée dans la tête, et il la copiait impeccablement, à la main. L’employé ne se rendait pas compte du phénomène, et cette copie prodigieuse lui est restée problématique jusqu’à sa mort. Il s’appelait Toussaint. J’aurai l’occasion de vous reparler de ce brave homme.

Le jour que Paul Déroulède me conduisit à la Revue Nationale, où il entrait en poussant la porte, le père Charpentier était en conférence « sérieuse » et enfermé dans son cabinet avec Édouard Laboulaye, l’auteur d’un ouvrage d’économie amusante, intitulé : Paris en Amérique, dont les éditions multipliées faisaient gémir les presses. Le personnage étant fort important, l’éditeur, en s’excusant, nous délégua son fils qui, d’ailleurs, était secrétaire de la revue. Et ce fut là, et ainsi, qu’eut lieu ma première rencontre avec un des êtres que j’aurai le plus aimés en ce monde, Georges Charpentier, devenu éditeur à son tour et dont j’ai à vous conter l’histoire. Il a été, en effet, et pendant plus de trente ans, l’une de nos figures parisiennes, prince du boulevard et des premières. Il relève de l’historiographie de la fin du dix-neuvième siècle.

— Mon noble père, fit-il en se caractérisant tout de suite par ces paroles idiosyncrasiques, est avec un raseur. Qu’y a-t-il pour votre service ?

Déroulède me présenta et résuma l’objet de la visite.

— Vous voulez collaborer à la Revue ? Quelle drôle d’idée ! Papa ne paie pas, d’abord, ou à peine, et,