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Page:Bergerat - Souvenirs d’un enfant de Paris, vol. 2, 1912.djvu/166

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Shakespeare, et… les autres. — Qui, les autres ? — Eh bien ! mais les assassins ! — C’était son petit jugement dernier de poche, à droite les brebis, à gauche des boucs, pas moyen de s’y tromper, le grand Will étant la pierre de touche. Cet ordre lui suffisait et il ne subtilisait pas sur les degrés. Quant au bonheur terrestre, c’était le même que le céleste, exactement, car Dieu n’en a fait qu’un à l’usage des hommes comme des anges : le bonheur est, et n’est que dans la rime riche. Hors de la rime riche, point de félicité possible et même concevable dans ce monde et dans l’autre ! Nul ne l’ignore, mais personne n’ose le dire. Moi je le dis et c’est pourquoi Lephonse Almère, truchement naïf des éternelles lois méconnues, m’appelle Théoville de Bandore et ne me livre pas mes épreuves.

Ce disant il s’en allait, ses sacs de chatteries sous les bras, n’ayant médit de personne, sinon parfois de feu Eugène Scribe, sa bête noire, en qui il voyait l’Antéchrist de la littérature. Je n’ai jamais oublié la réponse qu’il me fit à moi-même, un jour que je lui reprochais cette indulgence dont il enveloppait comme d’un brouillard les incapables et les méchants. — Qu’y a-t-il donc en eux qui vous touche ? lui disais-je. — Ceci, fit-il, qu’ils sont condamnés à vivre, eux aussi, et que, à Paris, il faut du génie, oui, du génie, entendez-vous, pour gagner dix sous.

L’un des plus réguliers aux five o’clock de l’Homme qui bêche était José-Maria de Heredia, que nous appelions le « Conquistador », à cause de son poème, La Tristesse d’Atahualpa, sur Pizarre et les conquérants du Pérou. Ce qu’il en avait écrit formait un fragment célèbre au Parnasse, et Alphonse Lemerre,