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Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/151

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Selon les uns, le « mana » serait un principe universel de vie et constituerait en particulier, pour parler notre langage, la substance des âmes. Selon d’autres, ce serait plutôt une force qui viendrait par surcroît et que l’âme, comme d’ailleurs toute autre chose, pourrait capter, mais qui n’appartiendrait pas à l’âme essentiellement. Durkheim, qui semble raisonner dans la première hypothèse, veut que le « mana » fournisse le principe totémique par lequel communieraient les membres du clan ; l’âme serait une individualisation directe du « totem » et participerait du « mana » par cet intermédiaire. Il ne nous appartient pas de choisir entre les diverses interprétations. D’une manière générale, nous hésitons à considérer comme primitive, nous voulons dire comme naturelle, une représentation que nous ne formerions pas, aujourd’hui encore, naturellement. Nous estimons que ce qui fut primitif n’a pas cessé de l’être, bien qu’un effort d’approfondissement interne puisse être nécessaire pour le retrouver. Mais, sous quelque forme qu’on prenne la représentation dont il s’agit, nous ne ferons aucune difficulté pour admettre que l’idée d’une provision de force où puiseraient les êtres vivants et même bon nombre d’objets inanimés est une des premières que l’esprit rencontre sur son chemin quand il suit une certaine tendance, celle-là naturelle et élémentaire, que nous définirons un peu plus loin. Tenons donc cette notion pour acquise. Voilà l’homme pourvu de ce qu’il appellera plus tard une âme. Cette âme survivra-t-elle au corps ? Il n’y aurait aucune raison de le supposer si l’on s’en tenait à elle. Rien ne dit qu’une puissance telle que le « mana » doive durer plus longtemps que l’objet qui la recèle. Mais si l’on a commencé par poser en principe que l’ombre du corps demeure, rien n’empêchera d’y