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Page:Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.djvu/208

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élémentaire, tout cela était apparu en bloc, tout cela répondait exactement aux besoins de l’individu et de la société, l’un et l’autre bornés dans leurs ambitions, qu’avait voulus la nature. Plus tard, et par un effort qui aurait pu ne pas se produire, l’homme s’est arraché à son tournoiement sur place ; il s’est inséré de nouveau, en le prolongeant, dans le courant évolutif. Ce fut la religion dynamique, jointe sans doute à une intellectualité supérieure, mais distincte d’elle. La première forme de la religion avait été infra-intellectuelle ; nous en savons la raison. La seconde, pour des raisons que nous indiquerons, fut supra-intellectuelle. C’est en les opposant tout de suite l’une à l’autre qu’on les comprendrait le mieux. Seules, en effet, sont essentielles et pures ces deux religions extrêmes. Les formes intermédiaires, qui se développèrent dans les civilisations antiques, ne pourraient qu’induire en erreur la philosophie de la religion si elles faisaient croire qu’on a passé d’une extrémité à l’autre par voie de perfectionnement graduel : erreur sans doute naturelle, qui s’explique par le fait que la religion statique s’est survécu en partie à elle-même dans la religion dynamique. Mais ces formes intermédiaires ont tenu une si grande place dans l’histoire connue de l’humanité qu’il faut bien que nous nous appesantissions sur elles. Nous n’y voyons, pour notre part, rien d’absolument nouveau, rien de comparable à la religion dynamique, rien que des variations sur le double thème de l’animisme élémentaire et de la magie ; la croyance aux esprits est d’ailleurs toujours restée le fond de la religion populaire. Mais de la faculté fabulatrice, qui l’avait élaborée, est sortie par un développement ultérieur une mythologie autour de laquelle ont poussé une littérature, un art, des institutions, enfin tout l’essentiel de la civilisation antique.