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Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/175

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sités de l’action scénique : il est trop court, et son laconisme nuit aussi à l’effet musical, puisque sur les dix-huit mesures qui le composent il est fort difficile aux choristes de trouver le temps de sortir de la scène sans sacrifier entièrement la dernière partie du morceau.

La reine, demeurée seule dans le temple, exprime son anxiété par un de ces récitatifs comme Gluck seul en a jamais su faire ; ce monologue, déjà beau en italien, en français est sublime. Je ne crois pas qu’on puisse rien trouver de comparable, pour la vérité et la force de l’expression, à la musique (car un tel récitatif en est une aussi admirable que les plus beaux airs) des paroles suivantes :

Il n’est plus pour moi d’espérance !
Tout fuit… tout m’abandonne à mon funeste sort ;
De l’amitié, de la reconnaissance
J’espérerais en vain un si pénible effort.
Ah ! l’amour seul en est capable !
Cher époux, tu vivras ; tu me devras le jour ;
Ce jour dont te privait la Parque impitoyable
Te sera rendu par l’amour.

Au cinquième vers, l’orchestre commence un crescendo, image musicale de la grande idée de dévouement qui vient de poindre dans l’âme d’Alceste, l’exalte, l’embrase et aboutit à cet état d’orgueil et d’enthousiasme : « Ah ! l’amour seul en est capable ! » après quoi le débit devient précipité, la phrase vocale court avec tant d’ardeur que l’orchestre semble renoncer à la suivre, s’arrête haletant, et ne reparaît qu’à la fin pour s’épanouir en accords pleins de tendresse sous le dernier vers. Tout cela appartient en propre à la partition française, aussi bien que l’air suivant :

Non, ce n’est point un sacrifice !

Dans ce morceau, qui est à la fois un air et un récitatif, la connaissance la plus complète des traditions et du style de l’auteur peut seule guider le chef d’orchestre et la cantatrice. Les