Page:Berlioz - À travers chants, 1862.djvu/187

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encore le solo de flûte dans le mode mineur, sur lequel on danse pendant qu’Alceste éplorée, et détournant la tête, dit avec de si déchirantes inflexions

xxxxxxÔ dieux ! soutenez mon courage,
Je ne puis plus cacher l’excès de mes douleurs.
xxxxxxAh ! malgré moi des pleurs
S’échappent de mes yeux et baignent mon visage.

Puis le divin sourire rayonne de nouveau, et le chœur reprend dans le mode majeur, avec son accompagnement pizzicato :

Parez vos fronts de fleurs nouvelles.

Un grand poëte l’a dit,

Les forts sont les plus doux.

L’air d’Admète : Bannis la crainte et les alarmes, est plein d’une tendre sérénité ; la joie du jeune roi revenu à la vie est aussi complète que son amour pour Alceste est profond. La mélodie de ce morceau me paraît d’une exquise élégance, et les accompagnements des violons l’enlacent comme des caresses d’une charmante chasteté. Signalons en passant l’effet des deux hautbois à la tierce l’un de l’autre et des sanglots haletants des instruments à cordes pendant ces deux vers du récitatif suivant :

Je cherche tes regards, tu détournes les yeux ;
Ton cœur me fuit, je l’entends qui soupire.


et cette admirable exclamation de la reine :

Ils savent, ces dieux, si je t’aime,

Ici la répétition des premiers mots : Ils savent, ces dieux, que le musicien s’est permise, au lieu d’être un non-sens ou une fadeur comme il arrive trop souvent en pareil cas dans les œuvres d’un style vulgaire, double la puissance excessive de la phrase et l’intensité du sentiment exprimé.