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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/109

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hésiter ; il soumet tout ce qui l’entoure au despotisme militaire. C’est intolérable. Puis les marins sont jaloux les uns des autres ; il suffit que l’un ait dit blanc dans une circonstance donnée pour que l’autre dise noir si le même cas se représente. D’ailleurs leurs prétendues connaissances spéciales, leur expérience nautique, ont-elles empêché d’innombrables et affreux malheurs ? On est encore à la recherche de sir John Franklin, perdu dans les mers polaires. C’était un maître marin pourtant. Et l’infortuné La Peyrouse qui alla se briser sur les écueils de Vanicoro, n’avait-il pas étudié à fond mathématiques, physique, hydrographie, géographie, géologie, anthropologie, botanique et tout le fatras dont les marins proprement dits s’obstinent à se remplir la tête ? Il n’en a pas moins conduit ses deux navires à leur perte. Il avait un système, il prétendait que la hauteur des rochers de corail dont la mer est obstruée dans l’archipel des Nouvelles-Hébrides, voisin de Vanicoro, était à étudier ; qu’il fallait, en allant avec précaution, en déterminer le gisement, chercher des passes, opérer des sondages, et il s’y brisa. À quoi lui a donc servi sa science ? Ah ! l’on a bien raison de se méfier des hommes spéciaux, des hommes à systèmes, et de les tenir à l’écart !

Voyez encore Colomb ! Ferdinand et Isabelle et leurs doctes conseillers n’étaient-ils pas bien inspirés en refusant si obstinément de lui confier deux caravelles, et n’eussent-ils pas sagement fait de persister dans ce refus ? Car enfin il a trouvé le Nouveau-Monde, c’est vrai ;