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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/145

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quement dans une grande cuve de pierre où grouillent à la fois toutes les gibbosités, toutes les infirmités, toutes les laideurs de tous les sexes et de tous les âges. Cette crapaudière porte un nom qui suffirait à me la faire détester si je ne l’exécrais dans son essence (qui n’est pas l’essence de roses, croyez-le bien), c’est le nom de piscine. Piscine ! quelle euphonie ! quelles idées cela éveille ! Piscine ! mot venu du latin et désignant un lieu où barbotent des poissons. Piscine ! cela fait penser aux lépreux de Jérusalem qui allaient, au dire de la Bible, y laver leurs ulcères.

Eh bien ! tout le monde y va, excepté quelques originaux qui ne craignent pas de se faire surnommer les dégoûtés ; et je renonce à vous donner une idée approximative de ce spectacle, de ce bruit, de ces êtres enfermés dans des espèces de vilains sacs plus ou moins mal clos, plus ou moins flottants quand on va se mettre à l’eau, plus ou moins collants quand on en sort ; de ces conversations, de ces discussions politiques, de ces opinions drolatiques, de ces chansons de commis voyageur, le tout arrosé de jets d’eau chaude par de turbulents enfants, les têtards de la crapaudière, qui ont imaginé les plus étranges manières d’injecter leurs voisins. — Malgré votre dégoût, vous avez donc vu la piscine ? me direz-vous. — Non, monsieur, non, je ne l’ai point vue dans son plein, et j’espère bien ne la voir jamais. Jugez de ce que je vous en dirais si je l’avais vue. Piscine ! piscine ! et par aggravation on en a fait à Plombières le verbe pisciner, « nous piscinons, ils ou