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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/211

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s’écrier, en considérant ce village avec sa longue-vue : « Voilà le pays du postillon qu’un ancien compositeur a rendu fameux ! » les dames occupées à jouer au volant dans le grand salon du navire aérien interrompront leur partie pour demander au savant ce qu’il veut dire. Et le savant répondra : « Au dix-neuvième siècle, Mesdames, les nations dites civilisées rampaient à terre comme font les escargots. Les voyageurs qui en ces temps de prétentieuse barbarie parcouraient dix ou douze lieues à l’heure, dans de lourds wagons roulés sur des voies de fer par la vapeur, ressentaient de cette rapide locomotion une fierté risible. Mais parmi les gens obligés de s’éloigner de vingt ou trente lieues de leur chenil natal, un très-grand nombre encore s’enfermait alors en d’affreuses caisses de bois, où l’on ne pouvait être ni debout ni couché, où il n’était pas même possible d’étendre ses jambes. On y éprouvait toutes les tortures du froid, du vent, de la pluie, de la chaleur, du mauvais air, des mauvaises odeurs et de la poussière ; les patients, secoués comme sont les grains de plomb dans une bouteille qu’on nettoie, avaient en outre à supporter un bruit assourdissant et incessant ; ils y dormaient tant bien que mal les uns sur les autres, la nuit, en s’infectant les uns les autres, ni plus ni moins que les bestiaux que nous entassons dans nos petits navires de transports agricoles. Ces horribles et lourdes boîtes appelées diligences, par antiphrase apparemment, étaient traînées dans de boueux ravins nommés routes royales, impériales ou départementales,