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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/222

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liberté dans Paris, le produit de la vente des pianos de sa fabrique a baissé d’une façon déplorable, personne n’osant plus aller chez elle, le jour ni la nuit, examiner ses instruments, dans la crainte de tomber en plein concert sous la griffe d’un de ces lions.

Notez qu’il n’y a plus assez de salons, de manèges, de halles, de corridors pour satisfaire tous les concertants. Les salles de Herz, de Pleyel, d’Erard, de Gouffier, de Sainte-Cécile, du Conservatoire, de l’hôtel du Louvre, de l’hôtel d’Osmond, de Valentino, du Prado, du Théâtre-Italien n’y suffisent pas. Et comme en désespoir de cause plusieurs virtuoses commençaient à travailler en plein air, dans certaines rues neuves où le bruit des rares voitures qui y passent garantit mal l’inviolabilité des oreilles des habitants, les propriétaires ont dû faire inscrire en lettres énormes sur leurs maisons : Il est défendu de faire de la musique contre ce mur.

Les donneurs de concerts novices en sont encore, les innocents ! à répandre dans Paris des invitations gratuites qu’ils glissent la nuit sous les portes cochères ; ils s’étonnent ensuite de voir leur salle déserte ! Il est bon d’avertir ici ces dignes virtuoses, étrangers pour la plupart, arrivant de Russie, d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne, des Indes, du Japon, de la Nouvelle-Calédonie, du Congo, de Monaco, de San-Francisco, de Macao, de Cusco, qu’un auditoire de concert se paye maintenant, comme on a de tout temps payé le chœur, l’orchestre et les claqueurs. Un audi-