Aller au contenu

Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

existé un opéra de Roméo shakspearien… elle fût sortie triomphante de la scène du balcon ; elle eût bien dit le fameux passage :

J’ai oublié pourquoi je t’ai rappellé :
Reste, mon Roméo, jusqu’à ce qu’il m’en souvienne ;


elle eût été digne de chanter l’incomparable duo d’amour du dernier acte du Marchand de Venise :

« Ce fut par une nuit semblable que la jeune Cressida, quittant les tentes des Grecs, alla rejoindre aux pieds des murs de Troie Troïlus son amant. »

Quelque invraisemblable que cela puisse paraître, Mme Sontag, je le crois, eût pu chanter Shakspeare. Je ne connais pas d’éloge comparable à celui-là.

Et pour quelques milliers de dollars !… aller mourir…

Auri sacra fames !…


Mais quel besoin d’avoir tant d’argent quand on n’est qu’une cantatrice ? Quand vous avez maison de ville, maison de campagne, l’aisance, le luxe, le sort de vos enfants assuré, que vous faut-il donc de plus ? Pourquoi ne pas se contenter de cinq cent mille francs, de six cent mille francs, de sept cent mille francs ? Pourquoi vous faut-il absolument un million, plus d’un million ? C’est monstrueux cela, c’est une maladie.

Ah ! si vous ambitionnez de faire de grandes choses