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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/252

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dans l’art, à la bonne heure ; gagnez des millions tant que vous pourrez ; pourtant arrêtez-vous à temps pour conserver les forces nécessaires à la tâche que vous vous êtes proposé d’accomplir. Tâche royale que nul roi n’a encore envisagée dans son ensemble. Oui, gagnez des millions, et alors nous pourrons voir un vrai théâtre lyrique où l’on exécutera dignement des chefs-d’œuvre, de temps en temps, et non trois fois par semaine ; où les barbares à aucun prix ne pourront être admis ; où il n’y aura pas de claqueurs ; où les opéras seront des œuvres musicales et poétiques seulement ; où l’on ne se préoccupera jamais de la valeur en écus de ce qui est beau. Ce sera un théâtre d’art et non un bazar. L’argent y sera le moyen et non le but.

Gagnez des millions, et vous établirez un gigantesque Conservatoire, où l’on enseignera tout ce qu’il est bon de savoir en musique et avec la musique ; où l’on formera des musiciens artistes, lettrés, et non des artisans ; où les chanteurs apprendront leur langue, et l’histoire et l’orthographe, avec la vocalisation, et même aussi la musique, s’il se peut ; où il y aura des classes de tous les instruments utiles sans exception, et vingt classes de rhythme ; où l’on formera d’immenses corps de choristes ayant de la voix et sachant réellement chanter et lire et comprendre ce qu’ils chantent ; où l’on élèvera des chefs-d’orchestre qui ne frappent pas la mesure avec le pied et sachent lire les grandes partitions ; où l’on professera la philosophie et l’histoire de l’art, et bien d’autres choses encore.