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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/298

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meule de moulin, ou tout au moins de s’attacher le cou à ladite meule ; mais c’est le reste de l’opération qui me semble malaisé. Je ne suis pas de force à aller seulement d’ici au pont des Arts avec un pareil joyau appendu au-dessous du menton ; comment irais-je jusqu’au Havre ? Ce texte évangélique serait donc aussi embarrassant pour les commentateurs que pour les gens qui tiennent à se jeter dans la mer avec l’objet ci-dessus mentionné, si nous ne savions qu’il a été écrit à une époque où les hommes étaient d’une force et d’une taille merveilleuses, dont nous n’avons plus d’idée. Les petits garçons de ce temps-là portaient au cou une meule de moulin, et allaient se noyer avec une aisance admirable ; tandis que le plus fort de nos musiciens actuels, attaché seulement à une partition comme il y en a tant, aurait grand’peine à les imiter.

Maintenant, puisqu’il faut absolument être sérieux, je vous souhaite sérieusement le bonsoir. Cette lettre en compartiments est fort longue, l’allonger encore, serait la pire de mes mauvaises plaisanteries. Adieu ; dans quelques jours je vous parlerai de Lille, puis ma correspondance avec vous sera close : Marseille, Lyon et Lille étant (Paris à part) les seules villes de France où j’aie entendu et fait entendre de la musique, depuis que ce malheureux art est l’objet de mes études et de mon inaltérable affection.