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Page:Berlioz - Les Grotesques de la musique, 1859.djvu/308

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partira, vous compterez quatre secondes, et, à la cinquième, vous aurez l’obligeance de frapper un grand accord bien d’aplomb, et d’un seul coup, avec vos dix choristes de douze et les six premiers sujets de vingt-quatre, de manière que l’ensemble de vos voix coïncide exactement avec mon dernier accord instrumental. Vous comprenez ?

— Parfaitement, monsieur ; cela s’exécutera, vous pouvez y compter. »

Et j’entendis le capitaine dire en s’en allant à M. Dubois :

« — C’est magnifique ! il n’y a que les musiciens pour avoir de ces idées-là ! »

Le soir venu, la bande militaire bien exercée et bien disciplinée et mon artificier étant en place, M. le duc de Nemours et M. le duc de Montpensier, entourés de l’état-major de la place, du maire, du préfet, enfin de tous les astres militaires, administratifs, civils, judiciaires et municipaux, montent sur une terrasse préparée pour les recevoir en face de l’orchestre. Je dis à l’artificier : Attention ! quand le capitaine d’artillerie, grimpant précipitamment l’escalier de notre établissement, me crie d’une voix tremblante :

« — De grâce, monsieur Berlioz, ne donnez pas encore le signal, nos hommes ont oublié les lances à feu pour les pièces, on a couru en chercher à l’arsenal, accordez-moi cinq minutes seulement ! »

Ignorant comme je le suis (quoi qu’on en dise) de ce qui concerne, sinon le style, au moins le mécanisme de