Aller au contenu

Page:Bernard - Federic de Sicile.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quittiez pas pour toujours, & que deſormais vous ne l’abandonnez pas un moment ? ah ! que voſtre amitié m’a deu eſtre cruelle, puis qu’elle n’eſtoit pas ſincere. C’est un raffinement de haine, dont il n’y a que vous ſeul qui ſoyez capable, cependant je ne la merite point. A-t’on jamis veu un rival en uſer comme je fais, vous eſtes aimé, vous me haïſſez, ma paſſion ne ſert qu’à rendre vôtre victoire plus éclatante, je ſuis miſerable, on me veut rendre heureux, & je m’y oppoſe de peur de vous déplaire, c’est un rafinement d’amitié dont à mon tour il n’y a que moy qui en ſois capable. Helas ? pourquoy nos ſentimens eſtant ſi ſemblables par leur force, ont-ils des motifs ſi differens ? quittons cette égalité fatale puis qu’elle produit des effets ſi contraires ; diminuez un peu la dureté de voſtre procedé, & je conſens à augmenter l’honneſteté du mien, ou plutoſt rencontrons-nous toûjours dans la meſme ardeur, & changez ſeulement de deſſein, &, s’il ſe peut, de conduite.

Aprés qu’il eut achevé cette lettre, il la relut vingt fois, & ne trouvoit point qu’elle exprimaſt aſſez tout ce qu’il vouloit dire ; il luy ſembloit