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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/131

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V

au foyer des bertrand…


Depuis quelques minutes, Germaine, l’épouse de François Bertrand mouille de larmes le tablier de lin sombre qu’elle a revêtu pour la visite du médecin. Des hoquets plaintifs crispent sa gorge : heurtée de chocs brefs et rudes, sa forte poitrine gonfle et retombe. Des gerçures rayent ses mains élargies, les doigts sont gourds d’enflures, les ongles furent rognés par le travail et ne seront plus jamais blancs. Il y a, dans le geste de ces vaillantes mains qui reçoivent des larmes, un contraste poignant…

C’est la première fois que Lucile voit pleurer sa mère, depuis la mort du petit Félix, il y a douze ans. Le cœur transi, elle regarde cette douleur qui rend la sienne plus lointaine. Le besoin d’apaiser les sanglots qui la déchirent elle-même, l’étreint. Des paroles émouvantes, simples, enfantines même, finissent par implorer sur ses lèvres :

— Maman, arrête cela, je t’en conjure… On peut encore espérer, le docteur ne l’a pas condamné. Père a beaucoup de vie en réserve… Il en a assez pour revenir…