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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/138

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chambre où François Bertrand n’a pas ouvert l’œil depuis trois jours, depuis le lendemain de la rechute. Il en est rendu aux dernières étapes de la faiblesse ; tout le corps est flasque, un souffle pénible l’agite. Il est étrange comme la présence de la mort semble alourdir l’atmosphère et se coller aux choses, là où menace la mort. Elle pèse, elle ralentit le flux du sang dans les veines, elle effraye, elle fige, elle règne. On s’aplatit devant elle comme devant les despotes, on la maudit comme ils sont maudits. On se rappelle des images où elle ricane, osseuse et blême, son épée foudroyant l’espace d’un geste fatal. Le sourire livide est là, maintenant, dardé tour à tour sur le front léthargique et le cœur vacillant du malade. L’ombre insaisissable partout se diffuse ; elle refroidit la lumière à l’orée de la fenêtre, endeuille les murs, répand sur les objets les plus infinies un mystère solennel dont l’âme s’épouvante…

Germaine et Lucile, défaillantes sous le fluide subtil de la mort, contemplent silencieusement, éperdument, la forme amaigrie de l’ouvrier. Sous la cotonnade fruste des draps, elle est mince, elle s’effondre. Les os des joues s’aiguisent en sinueuses lames, le globe des yeux recule aux plus lointaines profondeurs de l’arcade sourcilière, les lignes du nez s’émacient, la bouche a