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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/160

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puissance de sentir ainsi. Le plus grave, le plus sincère de lui-même s’exaltait. Quand on est maître de soi-même à un tel point, le cerveau est fort, les nerfs domptés servent. On ne doit pas confondre le romanesque avec la dignité de vivre, et le siècle n’a pas le droit d’écraser celui qui donne un peu de son cœur aux âges sans lesquels il n’aurait jamais battu si fier !…

Son cœur héréditaire et chaud de canadien-français, Jean le connut mieux, il le connut vraiment, le soir du même jour, à la deuxième réunion du Congrès. À la troisième réunion, à la quatrième, il eut une conscience toujours plus illuminée de ce qu’était sa race et de l’amour qui, pour elle, croissait en lui. Les doutes, lorsqu’ils fondaient sur son enthousiasme, avaient toujours moins de puissance à le détruire. Une foi plus âpre l’attacha aux visions des orateurs, à la promesse d’une renaissance de la fierté nationale. Il ne rougit plus d’applaudir, de se passionner. Quelqu’un prêcha la fraternité, le respect des bourgeois pour les classes modestes. Un flot de honte empourpra le visage de Jean Fontaine : il s’était rappelé la jeune ouvrière en larmes dont les yeux mendiaient la pitié. Il crut voir monter en leurs prunelles un reproche qui lui serra douloureusement le cœur. Il avait différé la visite, sans même avoir eu la pensée de