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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/402

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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

une espérance lâche et féroce. Lucile Bertrand, si jolie, si digne, si délicieuse, l’attirait comme proie naïve à séduire. La nouvelle s’accrédita, se précisa de piquants détails, s’aggrava de preuves surgies en des imaginations fécondes. On flétrissait à peine la jeune fille, on écrasait le jeune homme d’une masse d’horreurs et de malédictions. Il vint une heure où ce fut de l’exaspération, de la colère extrême, un besoin aigu de punir et d’assommer…

Comme on était muni d’une arme bien tranchante, d’une souplesse infinie, à coup sûr meurtrière, le ridicule, on la pointa contre lui, on l’en déchira, on la lui enfonça jusqu’au plus saignant du cœur. Il fallut bien alors, en effet, qu’il s’aperçût de l’aversion qu’il inspirait. De toutes les façons, dès qu’un incident minime lui en eût imposé la crainte, il sentit le blâme de l’opinion le narguer, s’appesantir sur lui. Des éclats de rire le souffletaient, des sarcasmes l’écorchaient au vif, des sourires de compassion entraient jusqu’au fond de son âme leur ironie comme un dard. Oh ! comme il en eut de la honte et du tourment ! La moquerie âpre, inlassable, de toutes parts se refermait sur lui pour l’étreindre, l’avilir et le châtier…

Il fut sur le point de lui obéir, de perdre l’équilibre. Il voulait se libérer d’une torture