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CE QUE DISAIT LA FLAMME…

qu’il n’avait plus la force de vivre. Pendant quelques jours, il accueillit l’hypothèse de rejeter Lucile. Ou n’avait, pour le honnir, que des preuves fantaisistes, on reconnaîtrait la méprise et l’injustice, on lui redonnerait l’honneur. À prévoir ainsi la joie de la réparation et de la vengeance, il ressentit le calme tant désiré…

C’est comme si la violence de la confusion soulevée en lui par le ridicule eût aboli les autres sentiments, l’amour aussi. Lucile, toutefois, ne cessait pas d’être merveilleuse en la mémoire du jeune homme, aucun désenchantement ne l’avait révolté contre elle. Mais une force déprimante exécutait son œuvre, contre laquelle il fallait tout son être pour réagir : aussitôt qu’il en eut dominé l’action, Jean la crut moins formidable, il éprouva même l’énergie de la refouler hors de son âme. Contre elle il amassa tout à coup de l’endurance, de la conviction, de la puissance intérieure. D’une impulsion libre, la volonté revécut pour ainsi dire, claire, impérieuse : elle reprit l’essor vers le but, le devoir, la vigueur, la beauté… La conscience de la destinée vers laquelle Jean s’acheminait, remonta au fond de lui-même et toute la fièvre de l’amour le ressaisit. La sensation fut un mélange de douceur et d’humiliation profondes. Oh ! la surprise, l’ingratitude, la laideur, la veulerie d’un tel oubli ! Qu’il