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Page:Bernier - Ce que disait la flamme, 1913.djvu/442

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rible, comme un spasme d’agonie, saisit l’âme de Jean : comme s’il fallait cela pour ne pas mourir, il se serre la poitrine d’une main violente… C’est fini déjà, l’atroce peine : il respire longuement plusieurs fois, il est délivré, il ne reste plus en lui que du mal paisible… Dès lors, l’intelligence a plus de force pour agir, plus de liberté pour savoir. Une clairvoyance plus intense l’illumine, elle entrevoit, elle analyse avec puissance. Jean est conscient d’une résolution qui se prépare en lui, de moins en moins craintive ou douteuse. Il faut qu’il ne déçoive pas Lucile, qu’il demeure fidèle à l’espérance dont lui-même l’a ravie. Fut il coupable de s’engager à la faire bienheureuse, avant qu’il eût rendu Gaspard solidaire de sa promesse ? Il est possible qu’il n’ait pas agi d’une façon inattaquable : mais il n’a songé ni à l’inconvenance, ni à l’irrespect d’une telle conduite, il s’est laissé diriger par une impulsion vigoureuse de tout lui-même, avec la certitude qu’il s’abandonnait au bonheur et au devoir… Il en est sûr, il en a l’esprit comme plus vaste, il n’est plus libre de balancer, de choisir ; il doit, si Gaspard ne faiblit pas, refuser de plier lui-même. Ah ! quelle tristesse profonde en lui, quel amour de fils, quelle révolte, quel supplice de ne pas obéir ! Et cependant, il faut qu’il désole son père, qu’il se torture lui-même. Il ne peut