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Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/134

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Ce fut le commencement de leurs malheurs. Leurs constitutions, qu’il fallut produire, furent déclarées contraires aux lois du royaume, à l’obéissance due au souverain, à la sûreté de sa personne et à la tranquillité de l’État.

Après avoir jusque-là conservé en racontant les faits son rôle d’historien impartial, d’Alembert rencontre la question de droit ; sa doctrine est singulière. La suppression des jésuites était utile à la tranquillité publique ; il faut applaudir sans se soucier des motifs allégués. Les moyens juridiques, il le déclare et l’approuve, ne sont et ne devaient être que des prétextes. « Ce n’est pas parce qu’on croit les jésuites plus mauvais Français que les autres religieux qu’il faut les disperser et les détruire, c’est parce qu’on les sait plus redoutables. Ce motif, quoique non juridique, est meilleur qu’il ne faut pour s’en défaire. »

Singulière et dangereuse doctrine sur les devoirs et les droits du premier tribunal de l’État.

D’Alembert, toujours franc, ajoute, pour que sa pensée soit bien comprise :

« La ligue de la nation contre les jésuites ressemble à la ligue de Cambrai contre la république de Venise, qui avait pour principale cause les richesses et l’insolence de ces républicains. »

« Les pères, ajoute-t-il, ont osé prétendre, et plusieurs évêques ont osé l’imprimer, que le gros recueil d’assertions extrait des auteurs jésuites par ordre du Parlement, recueil qui a servi de motif principal pour leur destruction, n’aurait pas dû opérer cet