Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/156

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Marigny et d’Ayen, auxquels il recommença la lettre et il ajouta : « Elle m’a été remise par le ministre des affaires étrangères, à qui l’a confiée milord Maréchal pour que je permette à ce génie sublime d’accepter ce bienfait. Mais, dit le roi, à combien croyez-vous que se monte ce bienfait ? » Les uns dirent six, huit, dix mille livres. « Vous n’y êtes pas, dit le roi, à douze cents livres.

« — Pour des talents sublimes, dit le duc d’Ayen, ce n’est pas beaucoup. Le roi de Prusse aura le plaisir de faire du bruit à peu de frais. »

« M. de Marigny raconta cette histoire chez Quesnay et il ajouta que l’homme de génie était d’Alembert et que le roi avait permis d’accepter la pension. Sa sœur (Mme de Pompadour) avait, dit-il, insinué au roi de donner le double à d’Alembert et de lui défendre d’accepter la pension, mais il n’avait pas voulu, parce qu’il regardait d’Alembert comme un impie. »

Lorsque Maupertuis mourut, en 1759, Frédéric renouvela ses instances. D’Alembert refusa de nouveau. Voltaire le lui conseillait fort. « Que dites-vous, lui écrit-il, de Maupertuis mort entre deux capucins ? Il était malade depuis longtemps d’une réplétion d’orgueil ; mais je ne le croyais ni hypocrite, ni imbécile. Je ne vous conseille pas d’aller jamais remplir sa place à Berlin, vous vous en repentiriez. Je suis Astolphe qui avertit Roger de ne pas se livrer à l’enchanteresse Alcine, mais Roger ne le crut pas. »