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Page:Bertrand - D’Alembert, 1889.djvu/170

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moins des cours, peu de lumières sur les matières épineuses du gouvernement dans lesquelles un prince doit être instruit, tout cela, monseigneur, est bien loin des talents nécessaires pour remplir dignement la place que l’on me fait l’honneur de me proposer. Il y a trente ans que je travaille uniquement et sans relâche, si je puis parler de la sorte, à ma propre éducation, et il s’en faut bien que je sois content de mon ouvrage. Jugez du peu de succès que je devrais me promettre d’une éducation infiniment plus importante, plus difficile et plus étendue.

« Je n’ajouterai point à ces raisons, monsieur, les lieux communs ordinaires sur l’amour de la patrie. Je n’ai ni assez à me louer de la mienne pour qu’elle soit en droit d’exiger de moi de grands sacrifices, ni en même temps assez à m’en plaindre pour ne pas désirer lui être utile, si elle m’en jugeait capable ; j’y ai, en commun avec tous les gens de lettres qui ont le bonheur ou le malheur de se faire connaître par leur travail, les agréments et les dégoûts attachés à la réputation ; ma fortune y est très médiocre, mais suffisante à mes désirs ; ma santé naturellement faible, accoutumée à un climat doux et tempéré, ne pourrait en supporter un plus rude ; enfin, monsieur, c’est une des maximes de ma philosophie de ne point changer de situation quand on n’est pas tout à fait mal ; mais ce qui éloigne de moi toute envie de me transplanter, c’est mon attachement pour un petit nombre d’amis à qui je suis cher, qui ne me le sont pas moins et dont la société fait ma