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Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/166

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« Sais-tu si l’on a …interrogé l’homme de Thuburnica, le marchand d’esclaves ?

– Il doit passer ce soir à la question, dit Martialis, ou demain matin au plus tard : je le tiens de Rufus en personne, le préfet des camps…

– Mais ces cris ?… Écoute ! »

En effet, le hurlement de douleur avait repris. Cela venait de l’autre côté du prétoire. Cécilius, entraînant son ami, traversa la cour intérieure de l’édifice. Ils débouchèrent sur le forum, où, devant le grand autel, des poppes et des victimaires faisaient les apprêts d’un sacrifice. La prison et la préfecture des camps se trouvaient là, à droite, en bordure de la place. Des plaintes de suppliciés montaient par les soupiraux d’un sous-sol qui servait d’office aux « questionnaires ». L’un d’eux, qui allait entrer en séance, déclara à Martialis d’un ton important :

« Nous sommes obligés de nous hâter aujourd’hui : demain, c’est vacation. Les auxiliaires dalmates célèbrent la fête de leur dieu Medaurus. En ce moment, ce sont des nomades, voleurs de grands chemins, qu’on interroge. Ce soir, on travaillera le marchand d’esclaves. Mais il y a toute une bande de chrétiens, des gens de Cirta, qui doivent passer avant lui… »

À ces mots, Cécilius pâlit. Son cœur battit tout à coup tumultueusement. Il oubliait Birzil. Il ne songeait plus qu’aux misérables frères torturés dans le sous-sol de cette prison. Il voyait Agapius l’évêque, un vieillard, corps pitoyable, étendu sur le chevalet. Alors, repassant dans son esprit toutes les humiliations qu’il venait de subir, il eut un mouvement de révolte. Il étouffait d’indignation. Il aurait voulu pouvoir écraser d’un geste cette prison, ce prétoire et tout ce camp, repaire de la tyrannie étrangère. Cependant Martialis, qui ne se doutait pas de son trouble, lui disait de sa voix placide et débonnaire, tout en remontant vers le prætorium :

« On est très content de toi là-bas. On espère même