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Page:Bertrand - Sanguis martyrum, 1918.djvu/167

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que tu feras davantage et qu’aux prochaines féries, ô flamine perpétuel des Empereurs, tu rempliras tous les devoirs de ta charge… »

Cécilius n’attendait qu’un prétexte pour se décharger de sa colère. Il éclata en paroles véhémentes :

« Jamais, jamais ! C’en est trop ! Je suffoque sous la honte !

– Comment ? fit Martialis avec bénignité. Un homme intelligent comme toi ! s’emporter ainsi pour une simple formalité qu’on te demande… quelques grains d’encens à jeter sur des charbons !

– Un homme intelligent ! répéta Cécilius avec un ricanement sarcastique : avoue plutôt que vous nous prenez pour des sots quand vous essayez de nous convaincre par de tels arguments !… Eh quoi ? Vous nous torturez, vous nous décimez, et il faut encore que nous adorions nos bourreaux, vos Empereurs divinisés, les dieux de Rome à qui l’on nous immole ? Le grain d’encens n’est rien. Ce qui est tout, c’est l’adhésion, la soumission dégradante qu’il signifie. Parce qu’il vous plaît d’adorer votre Empire et votre Empereur, de leur consacrer des autels, et, — parlons franc, — de vous déifier vous-mêmes sous leur nom, il faudra que nous fléchissions le genou devant ces monstrueuses idoles ?… Non, non ! tant qu’il y aura un homme libre sur la terre, sa conscience protestera contre une telle déchéance de la dignité humaine, contre une telle injure faite à Dieu !…

– Reconnais au moins, dit Martialis, que si Rome impose ce culte d’État, elle le fait avec beaucoup de ménagements, beaucoup de tolérance…

– Ah ! je l’admire vraiment, votre tolérance ! Elle consiste à courber les dieux des nations sous l’unique divinité à laquelle vous croyiez réellement, — l’Empire : ils sont de sa suite, ils lui font cortège. Vous faussez les religions, vous fausseriez celle du Christ elle-même pour la fondre dans la vôtre… Pourquoi toute cette hypocrisie ? La vérité, vous le savez bien, c’est qu’il faut adorer les