taurant voisin de la gare, c’est en vain qu’il essaya d’avaler quelques bouchées. La fièvre du départ, le malaise qui s’empare de celui qui s’en va en songeant à tout ce qu’il laisse et qu’il ne reverra peut-être jamais, lui serraient la gorge comme deux assassins.
C’était un beau soir de fin de mai, un de ces soirs
inspirant des vers tendres au poète, un soir que la
nature semblait avoir créé tout exprès pour donner
à celui qui allait quitter la terre natale, un souvenir
glorieux de son pays. Car, c’était sans doute en signe
d’adieu que les rayons du soleil descendu vers l’horizon,
faisaient resplendir avec tant d’éclat les clochers
et les dômes
des édifices, incendiaient
les immenses
fenêtres de la
gare. Du moins, ce
fut l’impression attendrissante
qu’en
éprouva Paul Mirot
en revenant du
restaurant.
Sur le quai, les employés se hâtaient de transporter les bagages ; les voyageurs allaient et venaient, affairés. Il y avait de jolies femmes, de gracieuses fillettes, des messieurs fort bien mis, des gamins à l’allure décidée, parlant l’anglais, de vrais petits Américains. Parmi tous ces voyageurs, on découvrait quelques Canadiens-Français se rendant à Saint-Lambert où à Saint-Jean, les deux seuls endroits où le train devait s’arrêter avant de franchir la frontière. Monter dans ce train, c’était déjà mettre le pied sur la terre étrangère. Sept heures et demie. Les colosses nègres, casquettes avec plaque en métal