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Page:Binet - La Vie de P. de Ronsard, éd. Laumonier, 1910.djvu/269

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ET CRITIQUE

face d’un ouvrage didactique paru à Londres en 1593 la lecture de Marot, Ronsard, Belleau, Desportes, Du Bartas, et autres esprits « inimitables en poésie ». Voir à ce sujet Louis Charlanne, Influence française en Angleterre an XVIIe siècle (thèse de Paris, 1906), première partie, chap. iii, § 3, surtout les pp. 183 à 191.

Au reste, la meilleure preuve que les œuvres de Ronsard étaient lues et proposées comme des modèles dans les « escolles » de ces pays, c’est la très grande influence littéraire qu’elles y ont exercée. En Angleterre, où deux amis de Ronsard furent ambassadeurs de 1561 à 1575 (Paul de Foix et Castelnau de Mauvissière), son influence se fit sentir dès les premières années du règne d’Elisabeth, à laquelle il dédia en 1565 son recueil d’Elegies, Mascarades et Bergerie (cf. ma thèse sur Ronsard p. lyr., pp. 214 à 220). Non seulement il est probable que ce recueil développa le goût des « mascarades » à la cour d’Elisabeth, mais il est certain que les autres œuvres de Ronsard, surtout ses sonnets d’amour et ses odes, furent fréquemment imitées par les poètes anglais de cette époque, entre autres Watson, Sidney, Southern et Lodge. Cf. Saintsbury, Elizabethan Literature (Londres, 1893), pp. 108 et 112 ; Sidney Lee, Elizabethan Sonnets (Cambridge, 1904, dans la nouvelle édition de l’English Garner), Introduction ; Gregory Smith, édition des Elizabethan critical Essays (Oxford, 1904), Introduction ; A. Horatio Upham, The French influence in English Literature from the accession of Elizabeth to the Restoration (New-York, 1908), chap. II et III.

Binet ne parle pas de l’Écosse ; mais là Ronsard fut lu et admiré autant qu’en Angleterre. Nous avons vu que ses œuvres contiennent de nombreux hommages à Marie Stuart (ci-dessus, pp. 177 et 178). Cette reine, qui avait vécu treize ans en France (de 1548 à 1561), dut contribuer pour une large part, avec son entourage français (dont fut quelque temps Brantôme), à faire connaître en Écosse son poète favori. G. Buchanan, le poète humaniste qui avait enseigné à Paris jusqu’en 1560, dut aussi louer Ronsard dans les milieux lettrés de l’Écosse. Le savant écossais Alex. Bodius, dans ses Lettres Héroïdes, imprimées à Anvers en 1592, a écrit, parlant des poètes illustres de tous les siècles : Fuit quoque qui linguam coluit gallicam, Petrus Ronsardus. De hoc quid dicam ? Addo novum sidus, solumque refero horum in numerum, quos miror miser. Cf. G. Colletet, Vie de Ronsard, p. 102.

Au delà du Rhin, Ronsard fut également très goûté et imité. D’après G. Colletet, les poètes allemands Melissus et Posthius « ont rempli leurs ouvrages des louanges de Ronsard » (op. cit., p. 102). Le premier, qui était conservateur de la bibliothèque d’Heidelberg et qu’on appelait pour ses poésies latines le Pindare de l’Allemagne, a écrit une longue ode, dédiée à Florent Chrestien, pour le Tombeau de Ronsard (éd. Blanchemain, VIII, 268). On étudiait les œuvres de Ronsard avec passion à l’université d’Heidelberg vers la fin du xvie siècle, et c’est de là que partit le mouvement de la Renaissance poétique en Allemagne. Parmi les poètes humanistes qui subirent le plus profondément l’influence de Ronsard, citons Rudolf Weckherlin et Martin Opitz. Ce dernier surtout non seulement s’est inspiré de la technique ronsardienne