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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/103

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VOYAGE D′UNE FEMME AUX MONTAGNES ROCHEUSES

Bien que tous nos chevaux fussent pesamment chargés, Jim partit cependant au petit galop, et après avoir parcouru un demi-mille, arrêta court sa jument près de moi, avec une aisance qui me fit bien vite oublier son extérieur, commença une conversation qui dura plus de trois heures en dépit d’obstacles nombreux ; il fallait traverser des rivières, marcher sur une seule file, entreprendre des ascensions et des descentes abruptes, puis tous les autres incidents d’un voyage dans les montagnes. Cette excursion n’était qu’une série de surprises et de splendeurs ; de parcs, de clairières, de rivières et de lacs, de montagnes sur montagnes se dressant à travers les pinacles déchirés du pic de Long qui, lorsque nous traversions un sommet de 11 000 pieds qui en fait partie, paraissait plus effrayant et plus grand encore. À chaque instant le soleil ajoutait des beautés nouvelles. Les pins sombres se détachaient sur un ciel citron ; les pics gris rougissaient et prenaient un aspect éthéré ; les gorges étaient d’un bleu profond et infini. Les flots d’une lumière dorée se répandaient sur les canyons d’une profondeur immense ; l’atmosphère était d’une pureté absolue ; un premier plan de peupliers du Canada et de trembles flamboyait de rouge et d’or, rendant encore plus intense le bleu des pins. Les rivières bordées de glaçons murmuraient doucement, et l’on entendait le bruit étrange du vent passant à travers les pins. Toutes ces perspectives, tous ces sons n’étaient plus ceux des pays d’en bas, mais des hauteurs solitaires et glacées, repaires des bêtes. En quittant l’herbe sèche et jaunâtre d’Estes-Park, nous avons pris un sentier le long d’une gorge où