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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/111

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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

dressent leurs crêtes, qui percent le bleu du ciel de leur gris froid et dénudé, et toujours, et plus loin encore, jusqu’à la chaîne la plus lointaine, revêtue seulement d’une neige immaculée. De beaux lacs réfléchissaient les bois de pins sombres, les canyons assombris et bleuis par leurs masses compactes de sapins ; les sommets tachés de neige ; des hauteurs sourcillant dans le froid de l’hiver, au-dessus de parcs ravissants arrosés et boisés, qui, eux, étaient en plein été. North-Park flottait dans un lointain bleu ; Midale-Park était clos jusqu’à une autre saison ; Estes-Park étalait ses pentes ensoleillées, et la crête neigeuse de la Divide, dont les eaux brillantes vont chercher l’océan Pacifique et l’Atlantique, se déroulait parmi les montagnes. En bas, dans le lointain, des chaînes de diamants indiquaient où la grande rivière prend sa source pour aller chercher ce Colorado mystérieux dont l’énigme n’est pas encore résolue, et se perdre dans le Pacifique ; plus près, la Thompson, fille des neiges, s’échappait des glaces pour commencer son voyage vers le golfe du Mexique. La nature déployait ses plus belles manifestations, se servant des voix de la grandeur, de la solitude, du sublime et de l’infini, pour s’écrier : « Seigneur, qu’est-ce que l’homme pour que tu te souviennes de lui, et le fils de l’homme pour que tu le visites ? » Ces splendeurs inoubliables furent pour jamais gravées dans ma mémoire, par les six heures de terreur qui suivirent. Vous savez que je n’ai ni la tête ni le pied solides, et que je n’aurais jamais dû rêver d’expéditions dans les montagnes. Si j’avais su que l’ascension fût un véritable exploit,