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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/115

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AUX MONTAGNES ROCHEUSES

rivières dans les plaines par leurs bordures de peupliers, jusqu’à la Platte lointaine ; entre elles et nous, nous avions les splendeurs de la montagne, du canyon, et du lac dormant dans des profondeurs de bleu et de pourpre qui enchantaient les yeux.

Comme nous nous traînions hors de notre station autour d’une pointe de rochers, j’aperçus, et cela me donna le vertige, le pic terminal lui-même, façade lisse et lézardée, muraille de granit rose, aussi perpendiculaire que peut l’être une surface où il est possible de grimper. Il mérite bien le nom de « Matterhorn américain ».

Cette dernière ascension fut plutôt une escalade. Nous avons mis une heure à gravir 500  pieds, nous arrêtant à chaque instant pour reprendre haleine. Nous ne pouvions poser le pied que dans d’étroites crevasses ou sur de très-petites saillies de granit, tandis que nous rampions sur les mains et les genoux, torturés tout le temps par la soif et faisant de grands efforts pour respirer. Mais enfin le pic fut conquis. C’est un grand sommet bien défini, qui a presque une acre unie et couverte de galets ; ses flancs sont à pic, celui par lequel nous sommes montés est le seul accessible.

Il était impossible de rester longtemps. L’un des jeunes gens, pris d’hémorragie, était sérieusement alarmé, et la sécheresse intense de la journée, jointe à la raréfaction de l’air à une hauteur de 15,000 pieds, rendait la respiration très-pénible. Il y a toujours de l’eau sur le pic, mais la gelée l’avait rendue aussi dure que de la pierre, et la soif augmente quand on suce de la glace ou de la neige. Le manque d’eau nous faisait cruellement souffrir, et les efforts que nous fai-