rait valu s’embarquer sur l’Océan sans boussole. Ces plaines brunes et ondulées, sur lesquelles on aperçoit un cheval à plus d’un mille au loin, font un effet étrange. À midi, le ciel s’assombrit, présageant une nouvelle tempête ; les montagnes s’étendaient toutes noires jusqu’aux plaines, et les pics les plus élevés revêtaient un aspect effrayant, horrible à voir. D’abord il fit très-froid, très-chaud ensuite, puis un vent d’est furieux et froid, difficile à supporter, finit par s’établir. C’était franc et vivifiant cependant, et mon cheval restait maniable. Parfois j’aperçus, broutant l’herbe desséchée de la prairie, des troupeaux de bétail, puis des chevaux. De temps à autre, je rencontrais un cavalier, le fusil en travers sur la selle, ou bien un chariot ordinaire, mais plus souvent un chariot à bâche blanche, de l’espèce connue sous le nom de « schooner des prairies », avançant péniblement dans l’herbe ; ou encore un convoi de ceux-ci, accompagné de cavaliers, de troupeaux et de mules ; ils venaient des États de l’Ouest, emportant dans un triste exode, jusqu’aux prairies vantées du Colorado, des émigrants et leurs bagages. L’hôte et l’hôtesse de l’un de ces chariots m’invitèrent à me joindre à leur repas ; je fournis le thé (ils n’en avaient pas goûté depuis quatre semaines), et eux la bouillie de maïs. Ils avaient mis trois mois à venir de l’Illinois, et leurs bœufs étaient si maigres et si faibles, qu’ils s’attendaient à mettre un mois encore avant d’arriver à la vallée de « Wit Mountain ». En route, ils avaient enterré un enfant, perdu plusieurs bœufs et étaient assez découragés. Vu leur long isolement et la monotonie de la marche, ils n’étaient plus
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AUX MONTAGNES ROCHEUSES