LETTRE XI
Ce matin encore, ciel sans nuages : l’une de ces matinées fréquentes ici, où l’on se réveille reposé et prêt à supporter joyeusement les fatigues du jour. Dans nos climats brumeux, vous ne pouvez connaître l’influence exercée sur l’esprit par un beau temps perpétuel. J’ai passé dix mois sous un soleil presque constant, et maintenant un seul jour nuageux m’attriste. À cause de la glace, je ne suis partie qu’à neuf heures et demie, et, peu de temps après mon départ, j’ai changé de route pour entrer dans la solitude par un chemin à peine frayé. J’ai bientôt aperçu un homme à cheval, à un mille devant moi ; je l’ai rejoint, et nous avons fait huit milles ensemble, ce qui m’allait fort, car sans lui j’aurais plusieurs fois perdu la trace du sentier. Son beau cheval américain, qu’il ne montait que depuis deux jours, s’abattit, tandis que le mauvais et fou broncho sur lequel je voyageais depuis une quinzaine galopait légèrement sur la neige. Je n’ai vu personne autre pendant un trajet de près de douze