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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/192

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VOYAGE D′UNE FEMME

sentier disparut dans une rapide et large rivière que je traversai deux fois. Le chemin était très-difficile à retrouver. Au milieu de solitudes semblables à celles des hautes Alpes, il montait toujours dans la gelée et la neige, parmi des arbres rares, rabougris par le froid, tordus par la tempête. Je n’entendais aucun bruit, si ce n’est le craquement de la neige et de la glace, le hurlement lamentable des loups et le cri des hiboux. Le soleil était, pour moi, couché depuis longtemps ; les pics, rouges tout à l’heure, étaient maintenant pâles et tristes ; le crépuscule devenait vert, mais toujours «  excelsior ! » Point d’intérieurs heureux avec la lueur du foyer ; les montagnes, comme des spectres, dressaient au-dessus de ma tête leurs sommets désolés. La nuit venait, et je commençais à craindre d’avoir confondu avec les rochers la cabin qu’on m’avait indiquée. À dire vrai, j’avais froid, car mes bas et mes bottes avaient gelé sur mes pieds ; j’avais faim aussi, n’ayant, depuis quatorze heures, mangé que du raisin. Après avoir fait trente milles, j’aperçus une lumière à quelque distance du chemin, et je trouvai la cabin appartenant à la fille des aimables gens chez lesquels j’avais passé la nuit précédente. Son mari était parti pour les plaines, et cependant elle vivait là, avec ses deux petits enfants, dans une sécurité parfaite. Peu de temps après moi, arrivèrent deux colporteurs qui venaient des mines en vendant tout le long de la route, et demandaient un abri pour la nuit ; ils avaient assez mauvaise apparence. Après avoir admiré Birdie d’une manière suspecte, ils m’offrirent de la troquer contre le cheval qui portait leurs