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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/20

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VOYAGE D’UNE FEMME

pouillés, et, sur les sierras, des pousses tendres marquaient l’endroit où on les avait abattus pour les faire porter par la rivière. Le pays sauvage leur doit sa population parsemée, et le bruit aigu de la cognée du bûcheron se mêle au cri des bêtes sauvages et au mugissement des torrents de la montagne. Le chemin est une route de voiture, douce, naturelle et très-agréable pour le cavalier. Mon cheval était beaucoup trop gros pour moi et avait des idées à lui ; mais de temps à autre, quand le terrain le permettait, j’essayais son lourd galop, et cela m’amusait beaucoup. Je ne rencontrai personne et ne dépassai sur la route qu’un chariot de marchandises traîné par vingt-deux bœufs, conduits par trois beaux jeunes gens qui eurent un peu de peine à faire ranger leur embarrassant convoi pour me laisser passer. Après une course d’une dizaine de milles environ, la route gravit dans la forêt une colline escarpée, tourna brusquement, et à travers l’ombre bleue des grands pins qui s’élevaient du ravin où était alors cachée la rivière, se dévoilèrent deux montagnes d’environ 11 000 pieds, dont les sommets dénudés et gris étaient couronnés d’une neige d’une blancheur immaculée. C’était, dans le paysage, une de ces magnifiques surprises qui donnent envie de s’incliner et d’adorer. La forêt était épaisse, avec des broussailles de sapin nain et de ronces, et comme mon cheval devenait inquiet et nerveux, je changeai de direction avec l’idée de prendre un chemin de traverse. J’étais tranquillement en train de raccourcir mon étrier, quand une grosse bête noire et velue, grognant et faisant craquer les branches, sortit du taillis juste en face de moi. Je ne fis que l’apercevoir et crus que mon