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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/23

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AUX MONTAGNES ROCHEUSES.

ans, alors que sa pure beauté n’était connue que des trappeurs et des Indiens. Un seul homme vit là toute l’année. Autrement, le précoce octobre prive les rives de leurs rares habitants, et pendant sept mois il n’est guère accessible que sur des raquettes. Il ne gèle jamais. Dans les épaisses forêts qui l’entourent et revêtent les deux tiers de ses sierras décharnées, il y a des hordes d’ours gris et bruns, de loups, d’élans, de daims, de martres, de loutres, de skunks, de renards, d’écureuils et de serpents. Je trouvai sur ses bords une auberge construite en bois, et, arrêté à la porte, un chariot sur lequel était étendu un grand ours gris tué le matin même derrière la maison. J’avais l’intention d’aller à dix milles plus loin, mais séduite par la beauté et la sérénité de Tahoe, je suis restée ici à dessiner, à jouir de la vue qu’on a de la verandah, et à errer dans la forêt. Il gèle tous les soirs pendant toute l’année, et j’ai les doigts engourdis.

Cette beauté est enchanteresse. Le soleil couchant s’est caché derrière les sierras de l’ouest, et tous les promontoires couverts de pins de ce côté de l’eau sont d’un bel indigo, qui va se rougir d’une teinte de laque, pour s’assombrir çà et là en une pourpre de Tyr. Au-dessus, les pics qui reçoivent encore le soleil sont d’un rouge rosé étincelant, et toutes les montagnes de l’autre côté sont roses ; roses aussi, les sommets éloignés où sont les amas de neige. Des teintes indigo, rouge et orange, colorent l’eau calme qui, sombre et solennelle, s’étend contre la rive à l’ombre des pins majestueux. Une heure plus tard, et une lune presque pleine, non pas un disque pâle et plat, mais une sphère radieuse,