Aller au contenu

Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
VOYAGE D′UNE FEMME

quitté Denver le lendemain des actions de grâces pour venir ici. Ce matin, nous avons pris la résolution de nous séparer. Il n’y a plus ni thé, ni sucre, ni café ; la venaison se gâte, et les hommes n’ont plus qu’un mois pour la chasse, de laquelle dépendent leurs moyens d’existence pendant l’hiver. Je ne puis quitter le territoire avant de m’être procuré de l’argent, mais je puis aller à Longmount chercher le courrier, et savoir si la panique diminue. Hier, je suis restée seule pendant toute la journée, et après une course à cheval au pied du pic de Long, j’ai fait pour le dîner, n’ayant pas autre chose, deux puddings roly-poly. Cependant, les hommes sont rentrés chargés de truites, et nous avons eu un véritable festin. Épicure nous aurait enviés. M. Kavan remplissait la poêle à frire d’une quantité suffisante de beurre pour recouvrir complétement les truites, les roulait dans une farine grossière, les plongeait dans le beurre bouillant, les retournait une fois, puis les retirait parfaitement cuites, sifflantes et couleur de citron. Le jeune Lyman était content, car le plat était rempli aussitôt que vidé. Il y avait quarante livres de truites qu’on a mises dans la glace, jusqu’à ce qu’on puisse les envoyer vendre à Denver. La pêche est très-fructueuse pendant l’hiver. Par les froids les plus durs, ceux qui ne pêchent point pour leur plaisir, mais pour gagner de l’argent, emportent leurs couvertures de campement et leur hache, et montent aux eaux glacées qui se trouvent autour du Parc, à cinquante endroits ; ils choisissent une place convenable, un peu à l’abri du vent, taillent un trou dans la glace et, attachant la ligne à un peuplier du