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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/28

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VOYAGE D’UNE FEMME

a point d’habitation sur ses bords, si ce n’est quelques huttes de bûcherons abandonnées. Son isolement me plut beaucoup. Je ne vis ni homme ni bête, pas même un oiseau, depuis le moment où je quittai Truckee jusqu’à celui où j’y revins. Les montagnes, qui s’élèvent brusquement de la rive, sont couvertes d’épaisses forêts de pins, d’où surgissent et là des formes étranges de rochers gris et dénudés, crénelés ou en pointe. Du côté opposé, à une hauteur d’environ 6 000 pieds, on voit, à travers les pins, une ligne grise ascendante, d’où viennent de temps à autre des sons incohérents et pareils à un grondement. C’est l’une de ces galeries de bois du chemin de fer du Pacifique qui privent les voyageurs de la vue de tout ce que j’admirais. Le lac porte le nom d’un M. Donner qui arriva avec sa famille sur les bords de la Truckee, vers la fin de l’année, en compagnie d’une bande d’émigrants engagés pour la Californie. Embarrassé d’une quantité de bétail, il laissa les émigrants continuer leur route et, avec seulement seize personnes, y compris sa femme et quatre enfants, campa près du lac. Le matin, ils trouvèrent tout couvert de neige, et, après s’être consultés, il fut convenu que toute la bande, excepté M. Donner qui était souffrant, sa femme et un ami allemand, prendrait les chevaux et tenterait de traverser la montagne, ce qu’elle ne réussit à faire qu’après avoir couru de grands dangers. Cependant, comme la tempête continua pendant plusieurs semaines, il fut impossible de porter secours à ceux qui étaient restés en arrière. Au commencement du printemps, quand la neige fut assez dure pour permettre le voyage, une