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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/29

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AUX MONTAGNES ROCHEUSES.

petite troupe partit à leur recherche, s’attendant à les trouver vivants et bien portants, puisqu’ils avaient assez de bétail pour se nourrir. Après plusieurs semaines de fatigues et de dangers, l’expédition gravit les sierras et atteignit le lac Donner. Lorsqu’en arrivant au camp, on ouvrit la porte grossière, on trouva, assis devant le feu, l’Allemand mangeant avec avidité un bras et une main rôtis. On se jeta sur lui, et ce n’est qu’avec difficulté qu’on lui arracha ces débris humains. Une courte recherche fit découvrir, gelé dans la neige et avec un bras de moins, le corps de la femme, encore ronde, grasse et fraîche, ce qui indiquait qu’elle était dans un parfait état de santé quand elle subit son malheureux sort. La petite troupe retourna en Californie, emmenant l’Allemand, qui racontait que M. Donner avait péri dans l’avalanche, que le bétail s’était échappé, ne leur laissant que peu de nourriture, et que, lorsque cette nourriture avait été épuisée, madame Donner était morte. On ne crut jamais à ce récit, et la vérité se fit jour. L’Allemand avait tué le mari, brutalement massacré la femme et s’était emparé de l’argent. Il n’y avait cependant pas de témoins, et le meurtrier s’en tira en rendant de force l’argent aux héritiers de Donner.

Cette histoire tragique me remplissait l’esprit tandis que je m’avançais vers la source du lac ; à chaque instant il devenait plus grandiose et d’une beauté impossible à décrire. Le soleil se couchait rapidement, et les promontoires verts, boisés de pins splendides, recevant ses rayons d’or, se détachaient l’un derrière l’autre sur un fond d’un magnifique bleu sombre, tandis que des sommets d’un gris pâle, à pic et en forme de tourelles,