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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/42

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VOYAGE D’UNE FEMME

de 3 000 âmes et forment la colonie naissante la plus prospère du Colorado, étant absolument débarrassés de paresseux et de criminels. Leurs champs si riches ne sont productifs qu’artificiellement ; et après avoir vu des régions où tout est donné par la nature, on est surpris que des gens s’établissent ici, où ils dépendent des canaux d’irrigation et courent les risques de voir leurs récoltes détruites par les sauterelles. Une clause des chartes de la colonie interdit l’entrée, la vente ou la consommation de liqueurs enivrantes, et j’entends raconter que les hommes de Greeley mènent leur croisade contre la boisson au delà de leurs frontières. Ils ont, dernièrement, saccagé trois maisons ouvertes pour vendre à boire non loin de chez eux, versant le whisky par terre, de façon qu’on n’eût plus envie de tenter la chance d’apporter des liqueurs près de Greeley ; cette influence tempérante s’étend sur un très-grand espace de pays. Les hommes n’ayant point de bar-rooms où aller, je remarquai que Greeley était endormi à l’heure où les autres endroits commencent leur tapage.

Ma première épreuve de voyage au Colorado a été plutôt sévère. À Greeley, j’avais d’abord une petite chambre en haut de la maison, mais je l’abandonnai à un ménage avec un enfant, et alors on m’en donna une pas plus grande qu’un cabinet, avec une cloison de toile. Elle était très-chaude, et il y avait partout une épaisseur de mouches noires. La maîtresse de l’hôtel, qui était Anglaise, venait de perdre son « aide » et était dans un grand embarras, si bien que je l’aidai à préparer le souper, où dominaient la graisse et les mouches noires. Vingt hommes en habits de travail prirent leurs