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Page:Bird - Voyage d’une femme aux Montagnes Rocheuses, 1888.pdf/48

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VOYAGE D’UNE FEMME

robe ; je me décidai donc à emporter mon sac de voyage aussi bien que ma caisse, de peur de n’être point admise à cause de ma méchante toilette. Le lendemain matin, je partis de bonne heure dans un buggy attelé d’actifs broncos et conduit par un jeune homme profondément mélancolique. Il n’était jamais allé au canyon ; il n’y avait pas de route. Nous n’avons rencontré personne et rien vu, si ce n’est une antilope dans le lointain. Mon conducteur devenait de plus en plus mélancolique et perdit son chemin, se dirigeant çà et là, pendant près de vingt milles, jusqu’à ce que nous soyons arrivés à une vieille trace qui nous conduisit à un vallon fertile où l’on faisait la moisson de l’orge et les foins et où cinq ou six maisons avaient un air gai. On m’en avait recommandé deux, dont les propriétaires font métier de loger des étrangers, mais l’une était remplie de moissonneurs, et dans l’autre un enfant venait de mourir, de sorte que je repris le buggy, satisfaite de laisser derrière moi cette colonie brillante et prosaïque. Jusque-là, nous avions fait le voyage dans une solitude très-ennuyeuse. À l’exception de l’immense barrière à notre droite, les prairies sans fin s’étendaient partout. On se serait cru à la mer, sans compas. Les roues ne faisaient aucun bruit, ne laissaient pas de traces sur l’herbe courte et sèche, et le sabot des chevaux ne résonnait pas joyeusement. Le ciel était nuageux, l’air calme et chaud. Nous dépassâmes le cadavre d’une mule d’où s’élevèrent une nuée de vautours qui redescendirent immédiatement. On rencontrait souvent des squelettes et des ossements d’animaux. Une chaîne de collines basses et verdoyantes,